Le procès Daygouy 8- la version des premiers témoins



Le 18 octobre 1807 furent entendues de façon préliminaire les personnes présentes à la veillée de la veuve Pègues la veille, à commencer par les deux saisonnières employées par Jean-Baptiste :  Elizabeth Pouget et Elizabeth Annat.

Contrairement à ce que disent Jean-Baptiste et sa femme, les jeunes filles qui sont allées passer la soirée chez la veuve Pègues déclarent avoir prévenu Jean-Baptiste et il ne s'y serait pas opposé.

Se trouvaient à la veillée la veuve Pègues, son fils Antoine Pègues, Pierre Costes, Jean Pierre Blanc, dix huit ans, et son frère François Blanc, quinze ans, tous deux de Labro, François Lacroix, de Falguières. Cette compagnie très masculine, bien contente d'avoir de la visite féminine, se met à danser. Des jets de cailloux interrompent la danse. Antoine Pègues va alors ouvrir la porte et ne voyant personne, dit à haute voix "si on veut entrer, on le peut, sans jeter des coups de pierre." Personne ne lui répond. Il rentre alors chez lui en laissant la porte ouverte et la danse reprend.

Quelques instants plus tard, les témoins de la veillée disent que la femme Daigouy est entrée dans la basse cour de la veuve Pègues et a appelé les deux Elizabeth. Elles disent être sorties aussitôt. Antoine Pègues les suit et essuie les reproches d'Anne Garrigues qui l'insulte, le traitant de "foutu bougre" et le provoque en lui demandant de descendre. Descendant en effet dans sa basse cour, Antoine Pègues aurait reçu un coup de râteau de la part d'Anne Garrigues et un coup de pierre de la part d'Antoine Daygouy, le fils ainé, juché sur le mur du portail. Mais les témoins s'accordent mal. Pour Jean Pierre Blanc, c'est Daygouy père qui a porté un coup de râteau. Pour François Blanc, c'est Guillaume Daygouy, un autre fils, plus tard prêtre et dont j'ignore la date de naissance, qui était sur la muraille.

Renversé à terre, Antoine Pègues saigne. Il se relève pour poursuivre Antoine Daygouy mais Pierre Costes et François Lacroix interviennent pour l'empêcher, de peur "qu'on finit de maltraiter Antoine Pègues." Alors que les Daygouy sont rentrés dans leur maison, Antoine Pègues va dans le petit pré proche de la basse cour en criant et jurant après les meurtriers. Le pauvre Pierre Costes va vers lui pour faire rentrer son ami. C'est alors que Daygouy père et fils paraissent, l'un à la fenêtre d'une chambre de la tour de leur maison, l'autre à une petite porte qui donne sur le chemin public qui va vers le pré où se trouve Pègues, toujours jurant et vociférant. Daygouy père et fils ont chacun dans les mains un fusil double. Un ou deux coups de fusil, les témoins ne s'accordent pas, sont tirés.

Mais tout le monde est d'accord sur les conséquences : Pierre Costes tombe, raide mort.

Les autres témoignages complètent le tableau. Joseph Costes, quarante ans, n'était pas à la veillée. Il chauffait le four des Daygouy et a bien vu sortir Anne Garrigues en premier de la maison. Pour lui c'est Jean-Baptiste qui a injurié en disant, le fusil à la main "Je te les chaufferai de par là ces foutus bougres." Joseph Costes ajoute avoir essayé, avec Jeanne Bringuier, d'arrêter le père Daygouy et l'engager à rentrer mais que celui-ci les repoussa et les menaça.

Pour Jeanne Bringuier, le moment et les termes de l'injure sont encore différents. Elle dit que c'est elle qui a refermé la porte lorsque Jean-Baptiste Daygouy est rentré chez lui. C'est au moment où il donne un fusil à son fils Antoine qu'il aurait dit "Tiens, ces bougres ne se foutront pas de nous." Elle confirme avoir été repoussée par Jean-Baptiste, mais dit aussi qu'en ressortant de la chambre de la tour, il aurait déclaré : "Un coup de fusil ne tue pas un homme, j'ai tiré en l'air." Elle ajoute un dernier détail curieux. Vers onze heures du soir, Jean-Baptiste lui demande de vérifier s'il n'y avait personne dehors. Comme elle lui assure qu'il n'y a personne, il va chercher une petite caisse, la prend sous le bras, et sort dans la nuit avec son fils aîné.

Aucun témoin ne déclare qu'un tireur autre que Jean-Baptiste ou Antoine aurait pu exister, pas même les Daygouy eux-mêmes. Toutes les autres hypothèses étant absurdes, il est certain que c'est le coup de fusil de Jean-Baptiste, peut-être doublé, qui a tué Pierre Costes. Le défunt semble être la victime collatérale de la querelle entre Jean-Baptiste Daygouy et Antoine Pègues.

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